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Patrick Chauvel se définit comme un journaliste qui prend des photos. Reporter de guerre depuis plus de 50 ans, il a couvert une multitude de conflits à travers le monde : Proche-Orient, Afghanistan, Ukraine, Panama, Vietnam, Tchétchénie, et bien d’autres encore. Animé par une même exigence, il se tient au plus près des combats pour être la voix des anonymes qui font l'histoire.

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Transcription
00:00Trouvons à présent notre invité au cœur de l'info, Patrick Chauvel, est un journaliste qui prend des photos.
00:06C'est ainsi qu'il se définit, reporter de guerre. Depuis plus de 50 ans, il couvre tous les conflits.
00:11Le Proche-Orient, l'Afghanistan, l'Ukraine, Panama, Vietnam, Tchétchénie, la liste est encore bien plus longue,
00:16avec une même exigence au plus près des combats pour être la voix des anonymes qui font l'histoire.
00:23Bonsoir Patrick Chauvel.
00:23Bonsoir.
00:24Vous êtes aussi réalisateur et vous allez nous offrir votre regard sur les événements qui se déroulent sous nos yeux.
00:30Et nous allons parler évidemment de transmission.
00:32C'est l'objet de votre fondation qui repose sur ce fond phénoménal, 380 000 de vos photos.
00:39Alors vous avez été le témoin de près de 60 ans, je ne voudrais pas vous vieillir non plus, mais d'histoire internationale.
00:46La guerre des six jours qui a redéfini la géopolitique du Proche-Orient, vous y étiez déjà ?
00:52Oui, c'était mon premier reportage, j'avais 17 ans, et j'étais parti comme volontaire en Israël,
01:00y chercher des gens pour remplacer les soldats mobilisés, parce que dans les kiboutts il n'y avait plus personne pour ramasser les fruits.
01:08Et donc on est parti, c'était un voyage payé par Israël, et moi je voulais aller en Israël parce que mon grand-père qui était ambassadeur
01:15et mon père qui était journaliste me disaient « la guerre va éclater ».
01:19Donc j'ai trouvé ce moyen d'y aller parce que je n'avais pas d'argent.
01:23Et arrivé, donc on a fait Paris, Brindisi, Brindisi en bateau jusqu'à Haïfa,
01:28et là je me suis retrouvé dans le kiboutts Yagour, où j'ai commencé à travailler avec des volontaires,
01:35à ramasser des oranges et à amender la guerre à éclater.
01:37Et du coup, on est parti vers le front.
01:41Témoin privilégié de cette guerre.
01:42Mais vous n'étiez pas encore vraiment photographe, vous êtes parti avec un appareil photo,
01:46mais les photos n'ont pas été excellentes, on peut le dire.
01:48Je ne savais pas m'en servir, donc presque toutes les photos sont ratées.
01:52J'ai la preuve que j'étais là-bas parce qu'un soldat israélien m'a pris mon appareil photo.
01:55C'est la seule bonne photo, réellement.
01:57Il m'a photographié devant le mur des Lamentations, aux côtés d'une soldate israélienne.
02:02À partir de là, vous n'avez couvert que des guerres, vous avez choisi de ne couvrir que des guerres,
02:07ou est-ce que ça s'est imposé à vous ?
02:09Non, j'avais vraiment envie de couvrir l'histoire avec un grand âge.
02:12On sait bien que l'histoire, si vous prenez tous les livres d'histoire, c'est des guerres.
02:17C'est les guerres qui font les frontières, qui défont et refont les rois.
02:21La guerre est là tout le temps, dans notre histoire avec un grand âge, et je voulais la vivre.
02:25Je suis un peu tombé dans la potion magique avec mon père, Joseph Kessel et Chendorfère.
02:30J'écoutais leur discussion.
02:31L'environnement familial, en fait, des figures emblématiques qui étaient là.
02:34Je crois qu'on a une photo qu'on peut voir maintenant ou qu'on verra un peu plus tard.
02:37D'accord.
02:38Mais en fait, la guerre s'est imposée à moi, on va dire.
02:43J'avais le goût de l'aventure, le goût du risque.
02:45Donc, je suis parti au Vietnam, voir ce qui se passait, voir si j'y étais, comme disait mon père.
02:49Et donc, je lui ai demandé est-ce que je peux aller là-bas.
02:52Il m'a payé un billet d'avion.
02:53Je me suis retrouvé au Vietnam, à Saigon en 68.
02:56Et à partir de là, les guerres se sont enchaînées.
02:58C'est la guerre qui vous a réellement...
03:00Cette guerre-là, le Vietnam, c'est la guerre qui vous a réellement initiée.
03:03C'est la guerre où je deviens...
03:03Dans tous les sens du terme, d'ailleurs.
03:05Oui, c'est-à-dire que c'est les premiers combats auxquels j'assiste.
03:08C'est l'époque absolument facile pour les journalistes.
03:11Il n'y a pas de restriction.
03:12Les Américains ont cette naïveté de penser que tout le monde est d'accord avec eux.
03:18Ils sont persuadés d'avoir raison.
03:20Je le pense aussi à ce moment-là, parce qu'il ne faut pas oublier que la guerre du Vietnam est une guerre civile.
03:24Donc, les Sud-Vietnamiens avec l'aide des Américains, les Nord-Vietnamiens avec l'aide des Russes.
03:29Au hasard, on retrouve les mêmes aujourd'hui.
03:32Et donc, j'étais avec l'armée américaine tout le temps.
03:37Ils m'avaient demandé pour qui je travaillais.
03:39Bêtement, j'ai répondu PIF Magazine.
03:41Ils ne connaissaient pas ?
03:43Non.
03:44Heureusement, c'était un journal communiste.
03:46Et donc, j'étais le PIF Magazine correspondant.
03:50Ce qui ne semble pas très crédible.
03:51Pour nos téléspectateurs qui ne connaissent pas, c'est un magazine dessiné au jeune public.
03:58Par contre, j'ai rencontré ce prisonnier vietnamien qui m'a raconté sa guerre.
04:03Et du coup, ça me paraissait moins noir et blanc, l'histoire.
04:07Donc, j'étais moins pro-américain.
04:10Pas pro lui non plus.
04:11C'était compliqué.
04:13Je me suis senti seul.
04:14En fait, j'étais devenu journaliste.
04:16Cette naïveté des Américains qui autorisaient les journalistes à accéder à tout le champ qu'ils pouvaient couvrir eux-mêmes,
04:24elle a complètement disparu.
04:25On l'a vu en 2003 notamment.
04:27C'est la première fois, je crois, en 2003 en Irak.
04:29Quand les Américains interviennent en Irak, on parle des journalistes embedded,
04:32qui cette fois-ci ont besoin d'une autorisation pour pouvoir suivre la guerre aux côtés des soldats.
04:37L'AMBD a toujours eu lieu.
04:39C'est juste qu'à un moment donné, la restriction était beaucoup plus forte.
04:43Ils faisaient des poules presse.
04:45Parce qu'en fait, ils se sont rendus compte de la puissance de l'image,
04:47comme la petite fille brûlée au Vietnam,
04:50qui a changé l'opinion américaine.
04:53Exactement.
04:53Et là, actuellement, d'ailleurs, il y a une petite polémique sur cette photo.
04:56La paternité de la photo est contestée.
05:00Ça fait polémique.
05:01Il y a un petit débat.
05:01Je ne vois pas vraiment pourquoi on remet en question les choses 50 ans après.
05:05Mais bon, ça, c'est un autre débat.
05:07Il y a des enquêtes en cours, effectivement.
05:08Et je crois qu'il y a un grand soutien aux photographes.
05:11C'est-à-dire que les gens qui accusent ce photographe d'avoir changé le nom,
05:16enfin pris, revendiqué cette photo, n'étaient pas là.
05:20Donc, de quoi ils parlent ?
05:22Moi, je connais Nikud.
05:24C'est un type formidable.
05:26Je ne sais pas s'il a revendiqué une photo qui n'était pas la sienne.
05:30Mais c'est du passé.
05:31La photo est là.
05:32Et elle a changé le cours de l'histoire.
05:33Changer le cours de l'histoire, ce serait dommage qu'il y ait un problème.
05:37Mais ressortir un problème 50 ans après par des gens qui n'ont jamais été au Vietnam,
05:43ça ne me paraît pas très utile.
05:44À propos de l'histoire, Jean-Daniel, le fondateur du Nouvelle-Obs,
05:48disait, pour parler des journalistes, des reporters de guerre,
05:51en tous les cas des grands reporters, il parlait des ouvriers de l'éphémère.
05:54Il disait, le grand reporter traite d'informations qui sera balayées le lendemain
05:58et qui, pourtant, laissera très probablement une trace dans l'histoire.
06:02C'est la sensation que vous avez eue et que vous pouvez avoir quand vous regardez dans le rétroviseur
06:06cette longue carrière ?
06:08Ou est-ce qu'il a quand même fallu vous battre énormément avec les rédactions internationales,
06:13que ce soit à Paris ou à l'étranger, pour défendre des sujets ?
06:16Non, pas vraiment. Les rédactions étaient à l'écoute.
06:20Alors après, au fur et à mesure, c'est vraiment devenu un business, tout ça, de plus en plus.
06:25C'est aussi des médias qui sont achetés par des gens qui veulent influencer le public.
06:31Ce ne sont pas forcément des journalistes qui possèdent les journaux dans certains endroits.
06:37Donc ça devient compliqué. C'est le showbiz qui prend le pas sur l'actualité brûlante.
06:44Quand j'avais rencontré Siégèle à un dîner, je lui avais raconté l'histoire de Grozny,
06:50les Tchétchènes contre les Russes, il m'avait dit on va faire 10 pages et tu vas faire un long texte
06:56parce que vraiment ce que tu racontes, qui est directement à la première personne sur ce qui s'est passé, ça m'intéresse.
07:02Et on m'a appelé juste avant le bouclage en me disant en fait tu ne fais qu'une page.
07:06Il y a un sujet qui fait la une et onze pages et c'était Cantona qui avait frappé un coup de tête.
07:14Voilà, un coup de tête, un coup de boule, je ne sais plus.
07:18Donc voilà, d'un seul coup le football, un coup de pied.
07:21Prenez le dessus, je confonds avec Zidane, effectivement.
07:25C'est important, c'est la vie et c'est aussi pour ça que la plupart des gens se battent.
07:30C'est pour protéger cette paix où les gens peuvent s'amuser, faire ce qu'ils veulent et être libres.
07:35Mais il ne faut pas exagérer quand même à un moment donné, il faut quand même parler de la guerre.
07:38Parce que si on ne connaît pas la guerre, on ne peut pas l'empêcher.
07:42Pourquoi ce besoin d'aller au plus près ? Qu'est-ce que ça raconte de plus ?
07:46Parce que vous allez vraiment sur la ligne de front, vous allez vraiment dans les tranchiers, on va voir des images.
07:51Qu'est-ce que ça donne en plus à voir ?
07:54C'est les gens qui défendent cette liberté, justement.
07:58Donc moi, ça m'intéresse d'aller les voir.
08:00Ce n'est pas possible de parler d'une histoire sans aller au fond de l'histoire.
08:04Là, les images que l'on voit, on est en Ukraine.
08:06Là, ils guettent les drones, c'est une position de mortier.
08:11Donc c'est les soldats ukrainiens qui attendent de voir si les drones russes s'approchent ou pas pour pouvoir ouvrir le feu sur les russes.
08:18Voilà, là, c'était un commandant qui se cache en attendant de pouvoir sortir et combattre.
08:27Il n'y a qu'en première ligne qu'on va comprendre le soldat, qui est un citoyen en uniforme de toute façon.
08:33Donc c'est aussi un civil, d'une certaine manière.
08:36Un civil entraîné qui sait ce qu'il fait par rapport à un civil qui n'est pas entraîné.
08:40Encore plus en Ukraine, effectivement, puisqu'on a mobilisé.
08:42En Ukraine, au début de la guerre, tout le monde a voulu s'engager.
08:45Mais moins maintenant, parce qu'il y a beaucoup de morts, beaucoup de blessés et que c'est plus compliqué.
08:49Mais c'est vrai qu'au début, c'était beaucoup de civils qui avaient...
08:53Et puis il y avait des réservistes aussi.
08:55La chance qu'a eue l'Ukraine au début, c'est que chaque Ukrainien faisait une sorte de service militaire sur le front,
09:03qui était une guerre larvée, mais il y avait quand même un ou deux morts par jour, par tir, par mortier, etc.
09:08Donc quand les russes sont attaqués, ils avaient 400 000 réservistes qui avaient l'expérience du feu, plus leur armée.
09:15Le problème, c'est que nous, on n'a pas 400 000 réservistes, si jamais ça nous arrivait en France.
09:19Et c'est la question qui se pose actuellement au sommet de l'État.
09:22Être au plus proche de la guerre, c'est aussi prendre le risque d'une balle.
09:28On va voir d'autres photos, notamment au Liban, c'est en 82.
09:32Il y a des chars, voilà.
09:35Vous êtes très proche, vous allez nous raconter cette photo peut-être.
09:37Là, j'étais avec des gens du groupe Hamal, c'est un groupe libanais, chiite, qui d'un seul coup, on dormait en fait.
09:46Et apparemment, deux chars, Merkaba israéliens et un transport de troupes, se sont perdus.
09:51Et on se sont approchés des Palestiniens.
09:54Il y avait un M113, c'était un transport de troupes avec un missile sur le toit qui était plus loin.
10:00Et ils sont tombés dans l'embuscade des Palestiniens.
10:03Enfin, ce n'est pas des Palestiniens, c'est des Libanais.
10:05Et il se trouve que moi, j'étais avec eux.
10:08Et donc, on s'est levés, on dormait.
10:11Et les chars israéliens brûlaient.
10:14Les soldats, enfin, les Palestiniens, les militants d'Amal ont ouvert le feu avec des lances-roquettes.
10:21Mais très vite, les Israéliens ont réagi et ont contre-attaqué.
10:24Et là, ça a été un peu la débandade.
10:26Et pas mal des hommes avec qui j'étais ont été tués.
10:29Moi, j'ai pris une balle dans l'appareil photo.
10:30Seulement l'appareil photo.
10:32Seulement, ça raconte quand même l'histoire.
10:33Être au front, ce serait malhonnête de raconter l'histoire de l'Ukraine, d'Israël, de la Palestine,
10:40ou quels que soient les combats, si on n'allait pas à un moment donné au front.
10:44On ne fait pas que le front, mais le front est important.
10:47C'est là où ça se passe.
10:50Alain Louillot, grand reporter qu'on avait reçu sur ce plateau il y a quelques mois,
10:53a écrit « La race des grands reporters prêts à prendre des risques pour aller chercher les faits sur le terrain,
10:58puis les rapporter avec honnêteté et talent n'est heureusement pas éteinte.
11:02Malgré la pression du risque, le manque de moyens, il y a toujours des femmes, des hommes prêts à partir
11:06pour apporter ce qui se passe réellement sur le terrain. »
11:10Vous avez, Patrick Chevelle, 76 ans.
11:12C'est aussi pour ça qu'on vous invite, parce que vous avez cette vision élargie du monde dans lequel on évolue.
11:18Vous continuez d'aller sur le front.
11:21Ce que vous voulez rapporter, ce sont ces faits.
11:23C'est constamment interpellé, peut-être pour contrer aussi ces nouveaux médias qui ont débarqué ces dernières années ?
11:29D'abord, si on n'allait pas au front, on risque de perdre la vérité et le sens même du conflit.
11:36Et l'état d'esprit des Ukrainiens, pour le coup, là, ou des Palestiniens, ou des Israéliens, juste après le 7 octobre,
11:42parce que moi, j'y suis allé un peu tard, mais j'y suis allé.
11:44Et je ressentais encore la rage, la colère et la surprise des Israéliens.
11:49Il y a des images, d'ailleurs, de soldates israéliennes, voilà, qui viennent se recueillir.
11:54Mais en fait, l'important, c'est d'être au cœur du problème et de ressentir ce que ressentent les gens pour pouvoir, après, raconter l'histoire.
12:02On ne peut pas raconter l'histoire en restant à l'hôtel ou en restant loin du front.
12:04C'est impossible.
12:05Ce serait malhonnête.
12:07Donc, il faut être au plus près du sujet.
12:10Il ne faut pas oublier qu'on ne travaille pas que pour la presse, on travaille pour la mémoire collective, aussi pour l'histoire.
12:14La grande histoire, il faut que les images soient fortes.
12:18On n'est pas là pour choquer, on est là pour interpeller.
12:21L'histoire se répète.
12:23Vous nous avez aussi apporté des photos de la seconde intifada dans la bande de Gaza.
12:30Vous avez l'impression que l'histoire se répète.
12:31C'est vrai que Benjamin Netanyahou était déjà là il y a 30 ans.
12:33Est-ce que c'est une trajectoire qui vous a surpris, vous qui avez couvert le Proche-Orient ces dernières décennies ?
12:39Israël, c'est vraiment particulier parce que moi, j'ai connu des soldats en 67
12:44qui sont des généraux à la retraite aujourd'hui.
12:46Idem chez les Palestiniens.
12:48Je connais des gens des deux côtés.
12:51C'est tragique.
12:53Un photographe israélien m'avait montré une photo qu'il avait faite après la victoire de 67 sur Jérusalem
13:01où il y a un soldat avec la main en avant en premier plan comme ça et une dizaine de prisonniers palestiniens.
13:08Et il me dit, cette photo me raconte quelque chose que je n'avais pas vu.
13:12Elle me raconte l'avenir.
13:13C'est-à-dire qu'en prenant des territoires, on allait avoir sous notre coupe des milliers d'Arabes.
13:19Et qu'est-ce qu'on allait faire avec ça ?
13:22Elle racontait le problème qui allait suivre.
13:25On voit ce soldat israélien pratiquement seul qui, avec sa main, essaye de couvrir,
13:30mais il ne peut pas couvrir tous les prisonniers.
13:33Et le photographe qui a fait cette photo a vu l'angle, a vu le cadre,
13:37mais il ne l'a pas saisi.
13:38C'est juste après, quand il a vu le problème qu'il y avait à avoir trop de palestiniens
13:43à l'intérieur de la frontière israélienne et trop de territoires à surveiller,
13:48cette photo racontait déjà.
13:51Elle était prémonitoire en fait.
13:54Ce que vous assistez aussi, je le disais, en vous présentant,
13:57ce sont ces actes de résistance, peut-être aussi des actes d'espoir, vous allez nous le dire.
14:02Pour un documentaire, vous avez filmé un artiste irakien contraint de peindre Saddam Hussein.
14:08Et pour protester, parce qu'il le haïssait, il peignait avec son sang.
14:12Ça, c'est un acte de résistance.
14:14Il y a aussi, on va le voir sur des photos, ces gens, vous vous évoquiez au Grosse-Ni tout à l'heure,
14:20en Tchétchénie, la première guerre, 95, quand il y avait un temps calme,
14:25les civils sortaient et s'habillaient pour sortir.
14:29Ça, c'était les femmes tchétchènes, incroyablement courageuses.
14:32Il y a une très belle photo d'une petite fille sur un char.
14:34Voilà, oui. C'était un moment de calme et d'un seul coup, les civils sortent des caves.
14:40Mais tout le monde s'habillait bien pour montrer cette résistance au chaos de la guerre, à la crasse.
14:48Et voilà, ils n'avaient pas d'eau, ils n'avaient pas d'électricité.
14:50J'avais fait une autre photo d'une femme qui s'était habillée en violet,
14:53avec une ombrelle violette et qui est venue me parler.
14:55Et les filles se maquillaient, se faisaient belles, mettaient des belles robes et erraient au milieu des destructions.
15:03C'est leur moyen, elles, de résister et de dire non à la guerre.
15:08Mais ce qui interpelle, c'est que là, en plus, c'est une petite fille, c'est une enfant qui est sur un char.
15:13Elle n'a rien à faire là, à son âge.
15:15On pense évidemment à ce que vivent en ce moment les enfants dans la bande de Gaza.
15:19On sait que c'est une génération qui est brisée émotionnellement, psychologiquement.
15:23Vous les avez trouvés, ces enfants, dans tous les conflits que vous avez couverts à travers tous les continents.
15:28C'est les mêmes. C'est l'innocence qui est bafouée, c'est l'innocence brisée.
15:33Et c'est surtout de futurs combattants.
15:36C'est ce que l'on voit dans la bande de Gaza.
15:38C'est ce que l'on voit aussi dans la bande de Gaza, d'ailleurs, c'est que le Hamas est renforcé par ce harcèlement des familles, des femmes, des enfants.
15:45On sait que le nombre de combattants qui retrouvent le Hamas a augmenté.
15:50Il y a ces femmes aussi à Kiev que vous avez photographiées.
15:53Parce qu'à Kiev, on expose les chars russes qui ont été pris, avec parfois dedans encore un soldat qui a péri.
16:02Et c'est la promenade du dimanche.
16:03Ils ont enlevé les corps, mais comme les gens ont été brûlés, il y a forcément un peu de chair qui reste.
16:08Donc il y a une espèce d'odeur qui plane là-dessus.
16:10Et les gens viennent se promener le dimanche, se faire des selfies au milieu des destructions.
16:17Alors évidemment, le gouvernement ukrainien veut donner du cœur à son peuple en montrant qu'ils détruisent beaucoup de matériel russe.
16:25Mais ça crée des situations un peu bizarres quand même.
16:28Voilà, celle-là, j'avais appelé ça faux Vuitton, vrai char.
16:33C'est cynique.
16:35La guerre a changé de nature ces dernières années.
16:37Vous l'avez constaté avec les drones qui sont apparus.
16:39On en parlait avec le directeur de la rédaction du quotidien libanais, dont le nom m'échappe tout.
16:45Qui est extraordinaire, quotidien libanais.
16:47Qui parlait des drones au Liban.
16:49C'est l'Orient le jour.
16:50L'Orient le jour, merci beaucoup.
16:53Au Liban, dans la bande de Gaza, en Ukraine aussi.
16:56Ça fait bouger la ligne de front, ça fait bouger la manière, l'infanterie aussi.
17:00Les soldats sur le terrain.
17:01Ça devient très compliqué d'aller au front et de revenir du front.
17:05Une fois que vous êtes au front, en général les soldats, avec les moyens qu'ils ont,
17:09de moins en moins efficaces parce que la qualité des drones augmente.
17:14Mais il va falloir s'adapter.
17:16On est dans une tranchée, il y a des abris.
17:18Les soldats savent à peu près quels sont les drones dans le ciel.
17:22Mais aller au front, les 50 derniers kilomètres, pour y aller et pour revenir,
17:27il y a des centaines de drones dans le ciel.
17:29On ne sait pas à qui ils appartiennent.
17:30Si un drone vous repère, vous êtes foutus.
17:33Parce qu'il y a une caméra, il va vous suivre.
17:36Donc ça change tout.
17:38Ça rend le travail des journalistes et des soldats et des civils de tout le monde
17:42et des secouristes surtout pratiquement impossible.
17:45C'est presque suicidaire.
17:47Ça complique beaucoup les choses.
17:48Donc c'est-à-dire, le seul moyen, c'est d'aller entre chien et loup,
17:52éventuellement quand ils vont changer le drone de jour par le drone thermique.
17:55Mais bon, à mon avis, ils ont des drones thermiques tout le temps.
17:59Ou alors quand il y a des nuages, c'est-à-dire qu'ils ne voient pas,
18:02et d'aller au front la nuit.
18:04Mais après, on ne va pas, comme avant, on pouvait faire 2-3 jours
18:08quand on avait l'autorisation, ce qui est très difficile en Ukraine.
18:10sur le terrain, avec les militaires, sur la ligne zéro, la ligne de contact.
18:16Maintenant, il vaut mieux rester 15 jours.
18:18Parce qu'on ne va pas faire des allers-retours.
18:19C'est trop risqué.
18:21Patrick Chauvel, vous êtes passionnant.
18:22Il y avait tant de choses à aborder.
18:25Je vais parler d'un mot avant de nous quitter de votre fondation.
18:27Parce que j'invite à regarder le travail de Patrick Chauvel et de son épouse
18:31concernant la transmission.
18:32On n'a pas dit non plus que votre fils est sur le terrain maintenant avec vous.
18:34Il y a des photos aussi avec lui lors de la bataille de Mossoul en 2016 en Irak.
18:39Vous intervenez beaucoup dans les écoles.
18:42C'est important de restaurer la crédibilité des journalistes
18:45et de contrer cette mode des réseaux sociaux.
18:48On voit votre fils à l'image.
18:50Et là aussi, c'est seulement son appareil photo
18:52qui, heureusement, a été touché ce jour-là.
18:55Par un éclat, oui.
18:57Vous rappelez tout à l'heure le poids de l'image.
19:00Merci infiniment, Patrick Chauvel, d'être venu sur ce plateau.
19:02J'aurais voulu pouvoir parler encore avec vous une dizaine de minutes.
19:07Ce sera pour une prochaine fois.
19:08Merci.

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